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Sport, sciences et performance : triptyque olympique

Le 22 avr. 2024
Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, des scientifiques se mettent au service des sportifs dans leur quête de résultats avec le programme de recherche Sciences 2024. Choix du matériel, compréhension des paramètres physiques clefs, optimisation des entraînements : les apports de la science au sport et à la performance sont multiples. A l’Institut Polytechnique de Paris, plusieurs laboratoires sont impliqués dans cet objectif. Rencontre avec Christophe Clanet, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX*) et directeur de Sciences 2024.
Sport, sciences et performance : triptyque olympique

L’année 2024 est olympique. Cet été, l’attention sera rivée sur les sportives et les sportifs : le spectacle de leurs performances, le suspens des compétitions, sans oublier le fameux tableau des médailles. Dans cette dernière ligne droite vers le titre, les athlètes peaufinent leur préparation avec une alliée inattendue : la physique. Des scientifiques, réunis notamment dans le programme Sciences2024, ont en effet fait du cyclisme, de l’aviron, de la voile et de la natation -entre autres- leur objet de recherche avec pour objectif d’améliorer les performances. Comment se passe la rencontre entre les adeptes des terrains d’entraînement et ceux des laboratoires ?

Un domaine encore peu exploré

Christophe Clanet, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX*) et directeur de Sciences2024, s’est intéressé à la physique du sport à la fin des années 2000, indépendamment de la question de la performance. « Nous travaillions sur les trajectoires de particules sphériques dans des milieux non-newtoniens**, comme la maïzena. Certaines trajectoires spiralantes nous intriguaient. Nous nous sommes rendu compte qu’elles étaient liées à la rotation des particules. » De fil en aiguille, les chercheurs font le lien avec la rotation des ballons de foot, notamment lors des coups francs tirés par le brésilien Roberto Carlos. L’entrée dans la physique du sport était à la fois inattendue et inespérée pour le physicien. « A quelques exceptions près, le domaine n’avait pas été exploré par les sciences fondamentales ».

Dans ce champ libre, les chercheurs se penchent sur des questions très diverses, guidés par la curiosité : qu’est-ce qui fait qu’un volant de badminton a une trajectoire triangulaire (dite trajectoire de Tartaglia) alors qu’un ballon de basket suit une parabole ? Comment un haltérophile génère-t-il de la force lors d’un développé-couché ? Puis, sur un coup du hasard, les scientifiques du LadHyX sont approchés en 2017 par l’équipe du champion de biathlon Martin Fourcade, qui cherche à améliorer le fart, c’est-à-dire le produit appliqué sous la semelle des skis pour optimiser la glisse en prévision des Jeux de 2018 à PyeongChang. Caroline Cohen, également chercheuse au LadHyX, monte l’expérience dans un caisson frigorifique à proximité du laboratoire. L’équipe du sportif apprend leur technique de fartage aux chercheurs qui commencent alors à tester différents produits. 

Est-ce grâce à cette collaboration que Martin Fourcade a raflé trois médailles d’or à Pyeongchang ? « Nous ne le saurons jamais » répond humblement Christophe Clanet. Mais, à la suite du biathlète, les fédérations sportives voient l’intérêt d’ouvrir leur porte aux scientifiques après l’attribution fin 2017, à la ville de Paris, de l’organisation des Jeux de 2024. Le programme Sciences2024 est donc lancé pour permettre des interactions directes entre chercheurs et équipes olympiques. La physique du sport devient la physique de la performance : ce sont les questionnements des sportives et des sportifs qui orientent le travail scientifique. « Du moment que les athlètes comprennent que nos objectifs sont alignés avec les leurs, le dialogue est fructueux, note Christophe Clanet. Ils sont dans une quête d’optimisation permanente, essentiellement basée sur le ressenti mais aussi sur les chiffres. Ils constatent que les sciences portent un autre regard sur leur discipline, complémentaire au leur, et qu’elles peuvent apportent des choses utiles. »

De la mesure à l'optimisation

Le premier de ces apports est la mesure. Perches, pneus de vélos, coques de bateaux, tenues de cyclistes : quel est le meilleur matériel pour chaque discipline et chaque athlète ? La mise en place de méthodes pour répondre à ces questions a permis aux scientifiques de faire leurs preuves et d’instaurer la confiance avec les sportifs. Ensuite, ils ont pu aller directement sur le terrain avec les athlètes afin de déterminer les lois qui relient les mesures les unes aux autres. Une fois ces lois comprises, elles servent de base pour optimiser les performances. « Ces trois phases, mesure, compréhension de lois et optimisation forment un processus efficace mais long. Parfois, on s’arrête à la première étape et la mesure est utilisée directement par l’entraineur lors de ses échanges avec les athlètes pour quantifier leur ressenti. Mais on peut aussi aller jusqu’à l’optimisation et proposer des approches différentes pour les séances d’entraînement ». Le physicien va ainsi deux fois par semaine au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines discuter avec les entraîneurs de l’équipe de France de cyclisme et les athlètes comme Mathilde Gros, spécialiste du sprint sur piste et championne du monde de vitesse individuelle.

Les scientifiques tentent donc d’apporter une petite contribution à la quête de perfection des sportifs dans la perspective des Jeux 2024. Mais Christophe Clanet n’y voit qu’un début : « Nous souhaitons que Sciences2024 et plus généralement les recherches menées ces dernières années pour les Jeux de Paris soient les prémices d’une équipe de France de la recherche. Ce serait un réseau de scientifiques qui interagiraient avec les équipes sportives afin de répondre rapidement à leurs sollicitations. Une équipe où il n’y aurait pas que des sciences fondamentales, mais aussi des psychologues, des nutritionnistes, des physiologistes, des juristes. Cela rendrait la recherche encore plus fertile. »

 

*LadHyX : unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 91120 Palaiseau, France

**Un milieu non-newtonien voit sa viscosité changer en fonction de la contrainte qu’on lui applique. La fécule de maïs, fluide lorsqu’elle est mélangée doucement mais visqueuse lorsqu’elle est mélangée énergiquement, est un exemple du quotidien.